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Moryotis – Interview

Sommes-nous pas plus handicapé mental que le handicap lui-même ? (Moryotis)

A 19 ans, Moryotis connaît ses premiers épisodes psychotiques quand un personnage tout droit sorti de son imagination est entré dans sa vie. Ne se sentant bien qu’avec lui , il s’est isolé progressivement. Jusqu’au jour où son médecin l’emmène « voir des hommes en blanc très sympathiques ». Incompris, il a vécu l’enfer de l’enfermement, attaché à son lit avec une camisole. Sans doute pour le protéger de lui-même…

S’ensuit une période d’errance médicale pendant près de 23 ans où il essaie de se préserver pour éviter un retour à l’hôpital. D’ailleurs, son traitement lourd lui fait encore ressentir ses sangles comme si elles étaient toujours présentes. Tel un amputé qui ressent toujours la présence de son membre manquant. Grace à son entourage et à lui-même, il a réussi à s’accomplir professionnellement et avoir une vie de famille comme tout le monde.

Que sait-on réellement de la schizophrénie sinon qu’elle perturbe les processus de pensée, de sentiment et d’émotion, mais aussi la perception et le comportement ? On peut très bien lire toutes les recherches faites à ce sujet. Seul Moryotis en parle le mieux. Il veut faire changer le regard sur sa maladie et nous permettre de vivre ses symptômes de l’intérieur sans filtre.

Le schizophrène est un esprit fendu, un œuf dans la tête cassé en 2. (Moryotis)

Moryotis est en réflexion constante et se sert des réseaux sociaux comme d’une psychanalyse. Il s’expose et fait ses propres recherches. Son pseudo me fait penser au myosotis, fleur associée aux souvenirs, mais aussi à l’iris, symbole du courage et par extension de la schizophrénie au Canada. 

Petit questionnaire de Proust revisité pour un homme méritant beaucoup plus d’attention.

Si vous étiez un livre ? Aucun doute : « L’alchimiste » de P. Coelho. C’est un livre qui m’a fait vibrer jusqu’à être passionné d’alchimie. Vous savez : Transformer le positif en négatif et bien d’autres tours de mains ou de l’esprit et bien ça me ressemble beaucoup. J’adorerais découvrir le secret de l’immortalité. En effet, une vie c’est très vite passé. Je pense que boulot, métro et dodo est une fatalité de notre civilisation qui nous emmène vers tout simplement la mort alors que tout le monde devrait s’arrêter de travailler et rêvasser constamment pour trouver le secret de l’immortalité. C’est bien plus important et surtout urgent en rapport avec cette courte vie ! Nous allons droit dans le mur par notre ignorance …

Si vous étiez une citation ? J’aime beaucoup écrire et publier, m’extérioriser pour avancer et rejoindre l’inconscient collectif, partager des idées … Effectivement, je me suis auto-publié alors je choisirai une de mes citations. Ah ! L’égo qui est en nous est à travailler car le tuer remplirait notre coupe de plus d’amertume alors nous vivons avec. C’est bien français quelque part. Ma citation tirée de mes écrits personnels serait donc : « L’inconnu fait peur pourtant il amène sagesse à celui qui s’y intéresse. »

Si vous étiez un personnage de fiction ? Le personnage de Jésus Christ est très en adéquation avec ma pathologie. J’ai déjà eu cette impression de vivre des choses identiques et donc de m’identifier intérieurement à ce personnage de fiction ou pas. Personne ne le sait je pense. Mais qui n’a jamais voulu être le héros de sa vie ? Actuellement sur les réseaux sociaux, nombreux sont les influenceurs qui parlent de mettre en avant le fait d’être « acteur de sa vie ». Alors, cette problématique de m’être associé dans mes pensées les plus profondes au personnage de Jésus Christ est de surcroît précurseur de notre société en devenir que tout un chacun devrait être acteur de sa vie. S’identifier au plus près à un personnage de fiction pour grandir et se l’expliquer par la suite en rectifiant. Par exemple, quand on regarde un film, on s’identifie toujours au héros de l’histoire et on en ressort émerveillé.

Si vous n’étiez pas vous, qui aimeriez-vous être ? Je ne suis absolument pas pour le culte de la personnalité donc je pense à une égalité des peuples un jour ou l’autre. J’espère que grâce à l’esprit réalisé que nous avons tous et toutes, nous sommes Dieux et Déesses ! Je ne peux donc pas être autre chose que moi-même dans mon imagination.

Votre trait de personnalité le plus révélateur ? La passion m’anime toujours et tout le temps. D’ailleurs trop… Quand je fais quelque chose et bien je le fais à fond puis je passe à autre chose. L’ivresse passionnelle est un château où la princesse à libérer serait l’amour tout court qui est un sujet aussi vaste que l’univers.

Votre principal point fort ? J’ai beaucoup de défauts et beaucoup de qualités comme tous les humains. Avec des variations. Un point fort serait peut-être mon passé en bon et due forme, ce qui réserverait un avenir avec de bonnes nouvelles, c’est ce que je souhaite.

Le don de la nature que vous souhaiteriez avoir ? J’ai vécu par ma pathologie l’omniscience, c’est-à-dire de croire et de savoir tout sur tout, ce qui est très impressionnant. Je crois que dans les médias, on ne montre pas assez le côté « Ouah ! » de la schizophrénie car je peux vivre des moments très effrayants confrontés à la folie pure mais aussi des instants magiques ou tout est possible et tout est réalisable. Le feu sacré des sages m’anime j’espère …

Votre qualité préférée chez les autres ? La fidélité alors que la trahison est une clé pour comprendre notre monde.

Le son/ le bruit que vous préférez ? Le silence que j’aime écouter puis survient quelque chose dans mes pensées alors j’écoute les synchronicités. 

Votre mot préféré du moment ? J’aime bien inventer des mots alors je dirais : La simplicitude. Pour que la simplicité devienne une habitude.

Votre devise ? Eteins le mauvais feu et alimente le bon.

Ce que vous détestez par-dessus tout ? Ma plus grande peur, la misère ! Devenir SDF ! C’est une honte qu’à notre siècle c’est encore existant !

Votre état d’esprit actuel ? Même quand tout va mal, je choisis le côté positif plutôt que les ténèbres. C’est mon choix donc je vais dire que pour l’instant c’est idéal même si …

Le mot qu’enfant vous prononciez tout le temps de travers ? Je ne sais pas « inconsciemment ». Je ne sais toujours pas d’ailleurs.

L’expression française que vous préférez ? Rentrer dans sa coquille.

Votre idée du bonheur ? Il n’y a pas de causes au bonheur. Je suis indécis sur l’idée du bonheur peut-être le futur me le dira, je le souhaite.

Nous sommes tous concernés de près ou de loin par la schizophrénie et les troubles psychotiques. Notre regard doit changer. Cette maladie se résume à des troubles de l’intégration certes multiples, mais non insurmontables grâce à la volonté de ceux qui la subissent. Et Moryotis en fait partie.

Nous devons, nous, souffrants de la schizophrénie, démocratiser ce mot et en faire quelque chose de beau dans la langue française ; car nous vivons tellement l’indicible au travers de nos réalités, qu’il y a parfois des moments où c’est « Ouah, quelle beauté ! (Moryotis) 

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