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Mon père est femme de ménage – Saphia Azzedine

 Qu’est-ce que c’est agréable de voir ma mère à table, de voir mon père lui caresser la main et de voir ma soeur manger des lipides. De boire du cidre. Et de baisser les armes. Juste pour les aimer. Comme ils sont. En tout cas c’est fatigant de détester sa famille. Vivement les jours d’anniversaire où qu’on s’aime tout simplement. (Extrait)

Polo, 14 ans vit dans une cité de banlieue entre une mère handicapée et plutôt absente, une sœur dont la seule ambition est de devenir reine de beauté. Et son père, agent d’entretien pour une société de nettoyage.  Le soir, après le collège, il l’aide pour lui permettre de finir plus tôt.

La vie de Polo est tout simplement ordinaire mais il s’interroge beaucoup sur lui-même et s’évertue à égayer son quotidien en cherchant des alternatives. Il ne peut pas partir en vacances alors il s’en invente pour sauver les apparences devant son amie Priscilla vivant dans un pavillon qui fleure bon le parfum des vraies fleurs. 

Il s’intéresse aux filles de son âge mais ce n’est pas réciproque. Peut-être parce que la taille de son zizi n’est pas la bonne ou parce qu’il est tout simplement invisible. D’ailleurs, il se considère comme étant une lacune.

Il ne se sent à sa place nulle part et ses réflexions sont transcendantes de vérités. Ce qu’il aime par-dessus tout ? Travailler à la bibliothèque. Il époussète les livres comme il dépoussière son vocabulaire et devient riche de nouveaux mots…

(…) qui peuvent te foutre la honte de ta vie si tu ne connais pas leur sens. (Extrait)

Polo aurait aimé ajouter un astérisque à chacun de ses mots appris dans les livres pour se faire comprendre, pour dépasser l’adversité et transformer son quotidien en quelque chose de plus positif.

Saphia Azzeddine réussit à se glisser dans le corps d’un adolescent de 14 ans avec ses rêves et ses désillusions. Elle use et abuse d’un langage réaliste quelquefois cru et familier. Et c’est non sans humour, qu’elle nous dresse le portrait d’une jeunesse criante de vérités. Son roman date des années 2000 et est encore très actuel de nos jours. Les années passent mais les nouvelles générations sont toujours aussi inquiètes quant au passage à l’âge adulte, quant à leur « à venir ».

Je l’aime mon père, mais j’ai du mal à l’admirer. Souvent, quand je le regarde, il est à quatre pattes, alors forcément ça manque un peu de hauteur tout ça… (Extrait)

Réaliste, Polo éprouve une fausse outrecuidance envers la sujetion du père à son patron et à son manque de vocabulaire. Et même si un lien très fort les unit, Polo a honte d’avoir honte de son père.

Ce dernier n’a comme arme que son humour, sans doute pour cacher ses faiblesses. Il vit à travers son fils et souhaiterait qu’il prenne un peu de hauteur. Et même s’il regarde plutôt  le sol que le ciel, il vit la tête dans les étoiles et cherche la bonne pour sa progéniture.

On se demande ce qu’il va bien arriver à Polo. Va-t-il finir comme son père ou va-t-il faire mieux ? Pour cela, il faut lire son histoire jusqu’au bout. Polo fera mieux que son père mais guère mieux finalement…

La portée de ce roman est universelle et traverse les années sans prendre une ride. C’est là le style de l’auteur, simple et efficace. Saphia Azzedine signe un bon feelgood aux personnages attachants tout simplement humains sans faux-semblants. Ils se contentent de ce qu’ils ont même s’ils aimeraient avoir beaucoup plus.

– T’es pas un crétin toi ! Tu veux pas finir comme moi, alors tu déconnes pas …- Ca veut dire quoi finir comme toi papa ?- Ca veut dire que tu regardes plus souvent le sol que le ciel, mais que ça t’empêche pas d’marcher dans la merde quand même … (Extrait)

Adaptation cinématographique (Avril 2011) avec François Cluzet et Jérémie Duvall

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