En débutant ce livre, je pensais découvrir le témoignage d’une jeune femme mal dans sa peau, boulimique de séances chez le psy. Mais ce n’est sans compter sur le style d’écriture de Valentine Hache qui donne le ton dès la première page où elle définit le mot folle par un filet à grandes mailles destiné à la pêche en mer chez les normands. Mais me diriez-vous, qu’est-ce qu’un filet de pêche vient faire dans une thérapie ? Peut-être se sent-elle noyée dans des émotions contraires et désire-t-elle que quelqu’un la sauve ou du moins la repêche ?
Valentine a toujours été mal dans sa peau et ce dès la naissance, d’ailleurs elle se compare à un produit en promotion acheté au rabais.
(…) j’ai en ce qui me concerne et dans mon scénario la croyance rassurante que l’on m’a choisie dans un frigo, au rayon bébé surgelé, j’étais le dernier morceau en vente, sûrement bradé a moins cinquante pourcents, avec une deuxième remise en caisse… (extrait)
Enfant souriante, elle traîne tout de même une peur permanente intraduisible, incontrôlable et une violence qui ne la quittera pas. Elle est en colère contre tout et même contre son corps qui se transforme avec les années. Et son addiction au sucre n’arrange rien, elle s’y réfugie pour se rassurer. En bref, Valentine ne s’aime pas et scénarise avec aisance sa propre mort même si en définitive elle n’en a pas très envie.
Elle alterne entre phase de destruction et de reconstruction à l’image de son parcours parsemé d’obstacles qui ne font qu’accentuer la douleur de se sentir différente des autres. Folle ? Sûrement pas !! Même si elle emploie ce mot à plusieurs reprises, elle ne se considère pas comme telle.
Je ne me considère pas comme une femme folle, ce sont les mots des autres, je me qualifie d’une singularité brute, et il me figure que personne ne puisse me polir, je suis une matière brute à affiner. (extrait)
Son identité particulière dérange. En d’autres termes, elle ne rentre pas dans le moule prédéfini par la bien-pensance. Valentine se raconte, se découvre et s’apprivoise. Elle s’écrit morceau par morceau et essaie de se reconstruire façon puzzle. Elle éparpille des bouts d’elle-même comme si elle nous dépeignait la « jeune femme au miroir » de Pablo Picasso. Ce tableau représente une femme tendant la main à son propre reflet dans un miroir. D’un coté, elle a un air apprêté de l’autre, son visage s’obscurcit révélant ses tourments. C’est comme si la jeune femme tendait la main à la personne en devenir, comme si elle essayait d’unir ses différents moi.
Alors folle ou pas ? Une chose est sûre, Valentine est loin d’être alexithymique. Elle ne pèse pas ses maux pour parler de son moi profond. Elle se décrit sans emphase à coup de hache (comme son patronyme) et nous capture sans le vouloir dans son grand filet de pêche à grandes mailles.
Il y a une folie d’écrire qui est en soi-même furieuse mais ce n’est pas pour cela qu’on est dans la folie. Au contraire. L’écriture c’est l’inconnu. Avant d’écrire on ne sait rien de ce qu’on va écrire. (Marguerite Duras)
Très belle chronique ! La folie en écriture : une belle histoire qui ne s’effacera jamais. Valentine dit JE dans son roman. Une narratrice qui joue franc jeu avec elle-même. Merci pour ce partage de L’éphémèlire ! EM
L’écriture de Valentine H. se veut instinctive et plurielle. Elle laisse libre cours à l’interprétation du lecteur.
Merci Elisabeth !!!
Très juste description de ce que j’ai moi-même ressenti à la lecture de Thérapie d’une folle.
Merci Myriam pour ce retour plus que positif !!