Abécélire Littérature française Nouveautés

Dernier domicile connu – Hervé Gransart

« De toutes les façons, cette vie passée était à effacer d’un seul coup de gomme. » (Extrait)

On imagine assez aisément la première scène du livre d‘Hervé Gransart. Le reflet d’un homme vieillissant dans le miroir qui fait le point sur sa vie. D’apparence très posé, il règne en lui, un vrai désordre intérieur.

Michel a tenté plusieurs fois d’aller au bout de ses rêves, sans calcul. A chaque fois, ses tentatives se sont soldées par un échec cuisant. Pourtant, il désire ardemment se libérer de son lourd héritage familial qu’il traine depuis bien trop longtemps et qu’il reproduit inlassablement.

« Des absents de la parole, des autistes des sentiments à exprimer. » (Extrait)

Pire, il ne partage rien avec ses proches et subit les épreuves sans même en parler. Sa vie l’ennuie, une vie sans heurts, sans reliefs, sans surprises qui se résume à des morceaux d’existence indépendants les uns des autres. Il sillonne les années sans se soucier du chemin emprunté, sans entrain.

« Ce n’est pas ce que je voulais, puisque je ne voulais rien. » (Extrait)

Hervé Gransart s’efface peu à peu pour laisser toute la place à Michel, comme si le narrateur voulait nous faire partager plus profondément son intimité. Dans son esprit, on vivote, on survit. Il nous interpelle et parle sans pudeur comme s’il racontait tout ce qu’il n’a jamais pu dire à son entourage. Il ne veut plus se retenir, paraitre plus transparent, plus vrai que nature. Pourtant, Michel ne demande pas grand chose, juste atteindre la meilleure version de lui-même, se montrer tel qu’il est à l’aube de sa vie.

Michel est-il simplement un imposteur ou est-il en plein processus d’individuation, d’introspection ? A t-il adopter un personnage qui ne reflète pas la totalité de son être ? Ou est-il tout simplement au bord de l’asphyxie ? Une chose est certaine, il a le sentiment d’avoir été berné peut-être par lui-même.

On rêve tous de partir, de tout abandonner pour vivre le meilleur mais comment ? Et surtout à quel prix ? On subit les évènements qui mis bout à bout font ce que nous sommes. Et si c’était ça la vie ? Avons-nous vraiment besoin de nous battre, en avons-nous la force ? Partir, pour aller où ?

« Une envie de tourner la page, mieux, de fermer ce livre pour en ouvrir un autre, à écrire de fond en comble. » (Extrait)

Que deviennent nos rêves quand ils se transforment en objectifs ? Ont-ils un meilleur attrait ? Le rêve n’est-il pas le reflet d’une réalité tronquée où se mêleraient nos envies, nos questionnements, nos ratés ? Une petite mise au point s’impose. A travers Michel, Hervé Gransart réussit admirablement à nous mener sur le chemin de notre propre existence et nos regrets sur ce que nous ne sommes pas devenus. Tout aurait pu être différent et tout autre chose…

DERNIER DOMICILE CONNU

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *