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Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain

Le 3 juin 1992, à 19h26 et 57 secondes, un petit oiseau crachait ses poumons rue Lepic, totalement inconscient de l’instant mythique qui se déroulait sous ses plumes. Au même instant, près de l’épicerie Collignon, Amélie Poulain tripotait des grains dans un sac, totalement indifférente (ou pas) au fait que ce ne soit pas très hygiénique. Son cœur battait en parfaite synchronisation avec les murmures des passants pressés, comme un bruit de fond dont elle se fichait éperdument. Plus loin, Jean-Pierre Jeunet peignait déjà son chef-d’œuvre, saupoudrant Montmartre de vert et de rouge, le tout figé pour l’éternité et nous coller un sourire niais pendant deux heures sans qu’on sache pourquoi.

D’ailleurs, dès le générique, le ton est donné. Amélie, petite fille, s’amuse à coller sa bouche sur la vitre, se fabrique des boucles d’oreilles avec des cerises et observe le monde avec une curiosité candide. Comme toutes les petites filles, elle se crée un monde imaginaire. Moi, à cet âge-là, j’étais plutôt du genre à disséquer mes poupées. Question de tempérament.

J’aime à croire qu’en immortalisant Amélie, Jean-Pierre Jeunet a capturé un petit bout de nous : rêveurs maladroits, romantiques de l’ombre, adeptes du coup de foudre silencieux et des plans foireux.

Attention, y a des courants d’air ! Bon sang !! (Georgette)

D’un trait d’imagination, me voilà assise sur une banquette rouge du café des Deux Moulins, l’œil pétillant, l’esprit vagabond. A croire que j’ai vu trop de films et pas assez de miracles.

Paris prend des airs de tableau vivant avec le vert et le rouge comme couleurs primaires. Les pavés semblent chuchoter, les murs nous observent. « Les temps sont durs pour les rêveurs », dans la vraie vie, c’est plutôt beige et gris, et les seules touches de couleur sont celles des gilets oranges des ouvriers, mais heureusement, il nous reste le cinéma.

C’est fou, hein, comme il suffit de peu pour me faire fondre… Balancez-moi un Paris de carte postale, une héroïne à la frange impeccable et hop ! Je me liquéfie plus vite qu’un sorbet au soleil. À croire que ma vie manque cruellement de montages musicaux et de filtres Instagram.

Amélie, incarnée par Audrey Tautou, est la fée un peu décalée de Montmartre. Avec ses Docs noires et son look rétro-bohème, elle se balade comme si chaque coin de rue était son terrain de jeu. Ses fringues racontent plus d’histoires que ses mots, et c’est bien ça qui fait le charme. Elle n’a même pas à chercher la lumière, elle l’emmène partout avec elle : un nain globe-trotter pour foutre une crise existentielle à son père, une boîte à souvenirs déterrée pour réveiller un passé oublié… Et tout part de cette fichue boîte en fer, comme quoi, parfois, il suffit d’un rien pour changer une vie.

Le 31 août, à 4 heures du matin, une idée lumineuse frappe soudain Amélie. Où qu’il soit, elle va retrouver le propriétaire de cette boîte aux trésors. Si ça le touche, c’est décidé, elle commence à se mêler de la vie des autres. Sinon, tant pis. (Extrait)

Heureusement pour nous, et pour l’histoire , l’émotion est au rendez-vous. Parce qu’au fond, même dans un monde de cyniques et de grincheux, y’a toujours un petit créneau pour un petit peu de magie. Et puis Amélie, elle, se régale de ces petites choses : briser la croûte d’une crème brûlée, faire des ricochets sur le canal Saint-Martin… Des gestes anodins, mais qui, bizarrement, font tout le sel du quotidien. Parce que, entre nous, c’est souvent dans ces moments là qu’on se dit que la vie, finalement, n’est pas si mal foutue.

Moi ? Je suis plutôt du genre à me prendre un boomerang en pleine figure. Chacun son destin.

Dans un monde où le gris semble avoir pris le dessus, Amélie nous prouve que la beauté se cache dans les trucs les plus infimes : un sourire à peine visible, un regard échangé à travers un miroir, et hop un petit coup de génie pour rapprocher deux âmes aussi perdues que des chaussettes dans une machine à laver.

Et puis, y’a Lucien, ce jeune épicier que Collignon, maltraite comme un oignon pourri qu’on écrase sans ménagement. Mais Lucien, lui, les légumes, il les traite avec délicatesse, il caresse les endives comme s’il leur soufflait une déclaration d’amour. C’est beau, hein ? Dommage que tout ça finisse en gratin ou en soupe, au choix.

Après toutes ces années, le seul personnage que j’ai du mal à cerner, c’est la fille au verre d’eau. Elle est au centre et pourtant, elle est en dehors. (Extrait)

Quand il s’agit d’elle-même, Amélie est beaucoup moins douée. Plutôt que d’affronter la réalité, elle préfère user de stratagèmes pour se rapprocher de Nino Quincampoix, le collectionneur de photos d’identité. Une chasse au trésor minutieusement orchestrée, des messages anonymes, des indices semés comme des miettes de pain… Parce qu’affronter les choses en face, c’est tellement banal, et puis, ça passe moins bien à l’écran.

Ah l’amour, ce bordel organisé !! Après tout, laisser planer le mystère un peu plus longtemps, c’est tellement mignon… Sinon, on verrait déjà défiler le générique de fin. Quel gâchis !!

J’imagine les histoires cachées derrière chaque photo, et qu’est-ce que donnerait mon propre photomaton ? Rien du tout si on considère ma tête du matin non caféinée. Quoique, avec des filtres instagram et des oreilles un peu coquines ça passe !! Pardonnez mon langage, c’est mon côté « instamatic kodak« .

Au final, le fabuleux destin d’Amélie Poulain n’est pas qu’un film, c’est un conte urbain. Les couleurs chantent, les silences sont bruyants. Et oui !! La magie existe du moins dans une salle obscure. Même si une fois dehors, la réalité nous rattrape quoique. Jean-Pierre Jeunet a ce talent fou de baigner nos névroses dans un bain de couleurs , de peupler Montmartre de doux dingues attachants. Merci pour ce moment d’illusion et de nous avoir fait croire, le temps d’un film, qu’on peut toucher les étoiles du bout des doigts.

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